Par CHRISTIAN QUEYROUX | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITE |DIRECTEUR D'HÔPITAL HONORAIRE | ANCIEN SECRETAIRE GENERAL DE L'EHESP

Né après la deuxième guerre mondiale, en pleine guerre froide j’ai été éduqué dans un contexte républicain anticommuniste.

On m’a ressassé que le « Monde Libre » grâce aux américains représentait l’idéal de système social où chacun peut voir sa vie s’améliorer dans le respect de ses droits contrairement au monde kafkaïen créé par les « rouges ».

Malgré quelques « ratages » qui pour rendre libres des individus opprimés les avaient purement et simplement anéantis je conservais une forme de bienveillance pour le modèle importé après-guerre des U.S.A.

La guerre en Irak et quelques autres « aventures » en Afghanistan ou ailleurs m’ont ensuite questionné mais je viens de faire connaissance avec la face cachée du néolibéralisme triomphant grâce à la lecture studieuse mais peu réjouissante du livre essentiel de Naomi Klein journaliste canadienne intitulé « La Stratégie du Choc la montée du capitalisme du désastre » paru dans la collection Babel Essai dernière édition en 2020.

Je ne mesurais pas l’ampleur des prédations que ce système sous l’égide de l’Ecole des Economistes de Chicago et de son « gourou » Milton Friedman a permis de réaliser dans toutes les parties du globe.

Naomi Klein écrit notamment : « Cet affranchissement de toutes les contraintes traduit essentiellement la vision économique de l’école de Chicago (aussi connue sous le nom de néolibéralisme) : il ne s’agit pas d’une invention nouvelle, mais bien du capitalisme dépouillé de ses appendices keynésiens, du capitalisme en situation de monopole, d’un système qui a la bride sur le cou : n’ayant plus à se soucier de la satisfaction de ses clients, il peut se montrer antisocial, antidémocratique et même, à ses heures, rustre et sauvage. Tant que planait la menace du communisme, le keynésianisme, en vertu d’une sorte d’accord tacite, avait la vie sauve. Une fois ce système (le communisme) en perte de terrain, on put enfin éliminer tous les compromis et, du même souffle, poursuivre l’objectif épuré que Friedman avait fixé à son mouvement un demi-siècle plus tôt. »

L’auteur démontre chiffres à l’appui le bilan cataclysmique de ces prédations depuis, en particulier, la fin des années 90. Les coups d’Etat, les morts, les famines, les effondrements économiques provoqués ou encore l’exploitation opportuniste de catastrophes naturelles comme le Tsunami de 2004 ou bien les inondations de la Nouvelle Orléans après le cyclone Katrina en 2005 ne se comptent plus qui non seulement n’ont pas impacté ce capitalisme de prédation mais qui au contraire lui ont permis de s’approprier la plupart des ressources de la Planète.

Ce capitalisme non seulement n’est pas gêné par ces phénomènes mais il les utilise quand il ne les crée pas et les régimes autoritaires qu’ils soient chinois, argentins, chiliens ou russes ne sont pas un problème mais au contraire une opportunité pour mettre en cause les droits sociaux, les organisations de salariés.

Le stade ultime de cette prédation semble se mettre en place au U.S.A. même où le « Trumpisme » version 2.0 de la démocratie américaine souhaite se débarrasser des entraves constitutionnelles à sa course échevelée vers le « Néolibéralisme totalitaire ».

Ce modèle considère que tout système qui assure des prestations sociales, une forme de solidarité entre catégories sociales ou générations, la liberté syndicale et l’accès à des services publics est une terre à conquérir avec l’aide, pour ne pas dire la complicité, du F.M.I. et de la Banque Mondiale truffés de disciples de Friedman.

Naomi Klein le décrit fort bien : « Les conséquences de la décision prise par la fournée actuelle de politiciens – l’externalisation systématique des responsabilités que leur ont confiées les électeurs – ne se limiteront pas à une seule administration. Une fois créé, le marché doit être protégé. De plus en plus, les entreprises au cœur du complexe du capitalisme du désastre considèrent l’Etat et le secteur sans but lucratif comme des concurrents – du point de vue du secteur privé, les gouvernements et les œuvres de bienfaisance, chaque fois qu’ils s’acquittent de leurs rôles traditionnels privent les entrepreneurs de contrats qu’ils pourraient exécuter à profit ».

A bien y regarder, on a le sentiment en refermant ce livre que la statue de Friedman devrait être déboulonnée comme l’ont été celles d’autres responsables de massacres, oppressions, guerres et famines et ses disciplines poursuivis pour crimes contre l’humanité ou pour complicité.

CHRISTIAN QUEYROUX | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITE |DIRECTEUR D'HÔPITAL HONORAIRE | ANCIEN SECRETAIRE GENERAL DE L'EHESP

Le 17 avril 2025