Par CHRISTIAN QUEYROUX | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITÉ | DIRECTEUR D'HÔPITAL HONORAIRE | ANCIEN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’EHESP

A l’occasion de la COP 28 organisée dans un émirat pétrolier, un journaliste faisait observer que les efforts de réduction des gaz à effet de serre demandés à l’ensemble des nations concernaient à la fois des Etats très développés dont les populations jouissent de nombreux avantages générés par le progrès industriel et technique et des Etats nettement moins favorisés où à peine 20% de la population a accès à l’électricité.

Ce même journaliste ajoutait que ces derniers dépendaient souvent de sources d’énergie fossile pour l’essentiel de leur production d’électricité et qu’il leur serait difficile de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Ajoutons que ces mêmes pays, ou du moins un certain nombre d’entre eux, ont déjà payé un certain prix en recevant nos déchets. Dans les années 80, un état affichait même un slogan : « Venez nous polluer » car c’était une source de devises. Dans ce cas pollution et corruption marchaient la main dans la main.

Prenons un autre exemple, celui de nos « vieux » diesels qui s’exportaient et s’exportent sans doute encore légalement ou illégalement sur le continent africain, je l’ai constaté naguère lors de missions en Afrique subsaharienne.

Il y a bien deux poids, deux mesures et j’éprouve toujours quelques difficultés à faire la leçon à ceux qui se débattent déjà simplement pour vivre, à leur demander des efforts que nous n’avons pas nécessairement consentis lors de nos phases de développement intensif.

Avec l’écologie politique il n’est d’ailleurs pas nécessaire de voyager loin pour retrouver ce paradoxe qui consiste à faire la leçon à ceux qui ont déjà des difficultés à accéder à un confort minimal, à un emploi qui les fasse vivre dignement.

Prenons quelques exemples qui illustreront le propos :

Qu’il faille prendre des mesures pour ralentir, si tant est que cela soit possible au regard des mécanismes météorologiques planétaires engagés, le réchauffement climatique cela ne se discute pas, mais qui aura le plus de difficultés face à certaines mesures ? Les plus pauvres, les démunis.

Vive les Z.F.E.

Sous cet acronyme qui signifie « Zone à Faible Emission » se cache la volonté de rendre plus respirable l’air des agglomérations en bannissant les véhicules les plus polluants, en attendant en 2035 de bannir tous les véhicules thermiques. Qui pourrait y être opposé ?

Cependant il ne vous aura pas échappé que la plupart de ceux et celles qui circulent dans de vieux véhicules, à l’exception des véhicules de collection, ne le font pas par conservatisme mais à défaut de pouvoir s’en payer un neuf.

A oui j’oubliais les aides exceptionnelles pour acheter des véhicules électriques « law cost made in China or India » mais expliquez-moi où ceux qui vivent en silos pourront recharger leurs véhicules, tous à la même période après avoir galéré dans les embouteillages dissuasifs organiser par les agglomérations gérées par les « BoBo écologiques » adeptes de la trottinette et du vélo.

Or ce sont souvent les mêmes que les prix exorbitants des loyers en centre-ville ont repoussé toujours plus loin de leur emploi, pour certains qui cumulent des emplois à temps partiel, de leurs différents lieux de travail.
Pour trouver des prix de logements abordables en location ou à l’achat il faut généralement s’éloigner vers des lieux mal desservis par les transports en commun soit qu’ils n’existent pas, soit qu’ils soient saturés.

A bas les passoires thermiques, vive le D.P.E. (Diagnostic de Performance Energétique)

La plupart des logements dont ceux dits « sociaux » construits pendant les trente glorieuses l’ont été aux normes peu exigeantes de l’époque et sont aujourd’hui des gouffres énergétiques et qu’il faille les rénover ou les remplacer semble à la fois logique et qui plus est une démarche en direction de ceux qui sont précarisés aussi sur le plan énergétique, les plus pauvres.

En revanche les mesures envisagées pour contraindre les propriétaires à la rénovation vont réduire l’offre de manière significative à un moment ou les mises en chantier des logements neufs ont chuté drastiquement sur fond d’inflation et de remontée des taux d’intérêt.

Rendons les parkings aux moutons, histoire des Z.A.N.

Quant à envisager de construire dans ce contexte défavorable, il faudra le faire en respectant le ZAN, non pas le bonbon de notre enfance mais le Zéro Artificialisation Nette d’ici 2050.

Qu’est-ce à dire ? Tout simplement aux yeux de ses promoteurs un objectif vertueux qui consiste, pour construire le moindre mètre carré, de rendre la même surface à la nature.
En pratique un casse-tête pour les collectivités notamment en zone périurbaine refuge de ceux que les prix trop élevés chassent des centres-villes.

Il ne vous aura pas échappé que ce sont les mêmes qui ne peuvent remplacer leur véhicule polluant, qui logent dans des passoires thermiques, qui galèrent économiquement.

Alors oui il faut réagir face à une situation climatique préoccupante, chacun doit accepter de réexaminer ses pratiques en matière de déplacement, de consommation d’énergie et d’achats.
Mais prenons garde qu’une démarche qui serait perçue une fois de plus comme conçue par des élites économiques et politiques déconnectées des réalités quotidiennes du plus grand nombre ne fasse le jeux des discours réactionnaires et négationnistes.

Sans Solidarité et sans convoquer le troisième terme de la devise de notre République « Fraternité » et surtout sans la mettre en œuvre, toute politique aussi vertueuse se voudrait-elle ne fera qu’accentuer les fractures déjà à l’œuvre.

CHRISTIAN QUEYROUX | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITÉ | DIRECTEUR D'HÔPITAL HONORAIRE | ANCIEN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’EHESP

Le 16 janvier 2024