Par MICHEL CARON | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITE
Il est vrai que le pire est devenu possible et que la tentation du renoncement nous guette.
Le spectacle du monde est à l’heure du grand délabrement et la chronique qui s’écrit porte la marque de la plainte et de l’angoisse devant le crépuscule des idoles d’un monde finissant.
Le temple de la démocratie est prêt à s’écrouler tandis que les colonnes qui le soutenaient sont dangereusement fissurées.
Les vertueux, les cyniques et les profiteurs périront ils ensemble sous les décombres après qu’une force aura achevé d’écarter et de briser les colonnes qui soutenaient ce temple ?
La vertu, le choix de la solidarité et de l’attention à l’autre ont-ils un avenir ?
Car tel le personnage biblique de Samson (et du film de Cécile-B-De Mille) qui perdit toutes ses forces sous les effets de la séduction, et fut réduit à la servitude et rendu aveugle par ses adversaires, le vertueux d’aujourd’hui passe pour un grand et faible naïf tout en procurant du divertissement dans un monde livré aux profiteurs de tous poils. Le désespoir n’est pas loin.
Mais Samson reprit des forces et emporta avec lui dans la mort ceux-là même qui l’avaient enchainé en provoquant l’écroulement du temple où se divertissaient ses adversaires et l’accomplissement d’une vengeance en forme de justice divine.
Rendant chacun à sa liberté d’interprétation de textes anciens, j’en reviens aux piliers de la démocratie :
Les partis politiques structuraient le débat démocratique et portaient des projets de société ; la conviction faisait office de souverain bien et le sursaut collectif avait même produit la Protection Sociale et divers mécanismes de régulation sociale ; vivre ensemble était possible, mais la pauvreté, les injustices et les inégalités n’ont de cesse de se développer. Et nos partis politiques ont perdu leurs forces d’expression, leurs militants et leur grand projet.
Les syndicats constituent le second pilier de notre démocratie ; mais après un temps de conquête de protections et de droits, que la solidarité a rendu possibles, ils sont confrontés maintenant à la montée des incertitudes et à la réduction de tout ce qui protégeait le travailleur ; une partie importante du monde du travail a basculé dans la précarité et la pauvreté, là où les plus fragilisés finissent par considérer le chômeur comme un profiteur, rejoignant ainsi paradoxalement le point de vue des puissants et des extrémistes de ce monde.
Les syndicats manquent cruellement de militants aussi, et leurs forces tardent à se renouveler face au danger grandissant des techno usurpateurs imaginant de créer des villes dirigées par des chefs d’entreprises.
Dans ce temple prêt à s’écrouler sous les coups de la haine de l’autre, du profit sans scrupule, et de la défiance généralisée à l’égard des institutions, il demeure la force de l’engagement pour la défense de l’égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains, et qui trouve sa récompense dans un peu de bonheur partagé avec l’autre.
Le mouvement associatif est central dans les multiples formes d’actions solidaires qui viennent tisser ce lien social et constituer le troisième pilier de la démocratie.
Gardons nous de laisser l’Etat ou diverses castes extrémistes de venir affaiblir durablement cette force associative, à coups de subventions rabotées, versées en retard ou supprimées, à coups d’appels à projet détruisant l’esprit de coopération et conduisant à la dérive de la qualité des services rendus. ORPEA n’est qu’un symptôme.
Pourtant, les associations portent des projets et sont fortes de leurs ambitions et de leur choix de la solidarité ; elles ne sont pas aveugles mais elles sont émiettées ; c’est d’elles désormais et des multiples cercles de libre réflexion que doivent venir les projets de grandes réformes qui contribueront à reconstruire ce monde en relevant les défis de notre temps : le défi démographique en réinventant un nouveau modèle de la Protection Sociale et de fiscalité, et en investissant dans la dimension intergénérationnelle, en surmontant la grave crise de la protection de l’enfance ; le défi économique, par des investissements éclairés par le débat démocratique, la citoyenneté et la raison plutôt que par les délires de l’intelligence artificielle et ses techno usurpateurs ; le défi climatique ne pourra être relevé lui aussi que par la solidarité, à l’opposé des errements Trumpiens et des autocraties envahissantes.
La capacité d’intelligence, d’initiative, d’interpellation et de proposition demeure vivante dans notre société ; chacun à sa mesure peut lui donner force et vigueur.
Vaste programme, certes.
Mais il faut imaginer Sisyphe heureux.
Réf : L’organisateur bénévole entre en période difficile – Roue Libre – Le blog de Jean-Marie Darmian
MICHEL CARON | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITE
Le 17 novembre 2025

