Post réalité et post démocratie…

Poursuivant ma découverte des écrits de Gérald Bronner, Professeur de sociologie à la Sorbonne, je me suis plongé dans les 400 pages de « A l’assaut du réel » qui décortiquent les mécanismes qui favorisent la redéfinition de notre rapport au réel.

Dans le même temps j’ai procédé à des incursions alternatives dans l’ouvrage de Valentin Husson philosophe et essayiste édité par Philosophie magazine et intitulé « Foules Ressentimentales » sous-titré « Petite Philosophie des Trolls ».

Ces deux ouvrages traitent l’un et l’autre du phénomène de société que constitue l’alliance des réseaux sociaux et de la « post-vérité » qui semble gagner progressivement l’ensemble de la planète.

Gérald Bronner au début de l’ouvrage pose ainsi le problème : « Dans ce combat (contre la post vérité) que nous engageons, nous sommes tristement tiraillés par des injonctions paradoxales. On pourrait en effet résumer la tragédie contemporaine en soulignant que jamais la pensée désirante n’a autant fait valoir sa puissance, tandis que jamais nous ne nous sommes sentis aussi impuissants et dépossédés de notre environnement. »

Nous pouvons en effet constater que nos contemporains dans leur quête du bonheur, avant tout matérielle, acceptent de moins en moins les frustrations infligées par le réel et lui préfèrent les paradis numériques.
L’« individu désirant » pour reprendre l’expression de Gérald Bronner, dans sa version haineuse n’admet pas d’entraves.

Dans son livre « Foules Ressentimentales » Valentin Husson dresse le portrait des peuplades du net qui trouvent là un moyen de soigner leurs frustrations en déstabilisant les autres, les Trolls.
Il écrit notamment : « L’homo numéricus, dans sa version haineuse, est l’avatar de la destruction contemporaine du surmoi…qui constituait le rempart moral de l’individu contre le principe de plaisir, pulsion inconsciente destinée à s’assouvir immédiatement, indépendamment de la loi (morale ou juridique) ».
Il insiste également sur la « vengeance des masses » contre les élites sachantes. Les Trolls sont les instruments de cette vengeance. A son propos Valentin Husson écrit : « Plus il hait, plus il est ».

Il ajoute : « S’il y a un sadisme du troll, c’est que, comme on le verra, l’ère du numérique organise une grande régression infantile, et notamment vers le stade anal. »
Gérald Bronner pour sa part écrit : « C’est ainsi que, peu à peu, les renflements du moi nous autorisent à partir à l’assaut du réel, libérant la puissance de notre pensée désirante qui était tapie dans l’ombre et qui attendait son heure. »

En matière de renflement du moi Valentin Husson dans un chapitre intitulé « le retour des fascismes » se penche sur le 47ème président des U.S.A. Donald Trump et il développe : « Trump est le nom d’un trollage bien particulier. Ses effets d’annonce consistent à créer le scandale, à choquer l’opinion publique pour capter l’attention. Son élection tient pour une part, à ce troll constant…L’essentiel est qu’on parle de lui… L’ancien troll – qui visait la provocation – rencontre le nouveau troll : celui de la manipulation de masse. »

Face à cette situation de menace sur nos démocraties il convient de ne pas désarmer tout en étant conscient que, tel Sysiphe, nous devrons sans cesse tenter de redonner aux faits vérifiés la place qu’ils doivent avoir.

Cependant les constats réalisés par la G.P.R.S.(Global Risks Perception Survey) dans son rapport 2024 cité par Gérald Bronner sont forts inquiétants. La prolifération de la désinformation est considérée comme la menace prioritaire devant la crise climatique et les flux migratoires.

Gerald Bronner cite George Orwell : « Ce qu’il y a de vraiment effrayant dans le totalitarisme, ce n’est pas qu’il commette des atrocités mais qu’il s’attaque au concept de vérité objective. »

Références des ouvrages
Gérald Bronner « A l’assaut du réel » PUF 2025
Valentin Husson « Foules ressentimentales » Philosophie magazine Editeur 2025