Lectures d’été – « Pour un été pourri »

En tant que membre d’un Think Tank qui s’efforce de défendre les valeurs démocratiques proclamées par la devise de notre nation, je suis bien sûr inquiet devant l’évolution de la situation internationale mais aussi de notre propre pays où les solidarités s’érodent.

Pour essayer d’y voir plus clair je me suis astreint à lire des ouvrages qui n’ont pas contribué à faire baisser mes inquiétudes.

Je citerais tout d’abord un livre de Jean Ziegler

Editions Fayard dans la collection « Essais » intitulé « Les nouveaux maîtres du monde » – 2022

Jean Ziegler citoyen suisse a été rapporteur spécial à l’O.N.U. pour le droit à l’alimentation entre 2000 et 2008. Il est vice-président du comité consultatif des droits de l’homme de l’O.N.U.
Il dénonce dans cet ouvrage les ravages de la mondialisation et la mainmise des sociétés transnationales qui accumulent l’argent, détruisent l’Etat, dévastent la nature et les êtres humains. Il stigmatise particulièrement le F.M.I. et la Banque Mondiale.

Dans une préface ajoutée en 2013, intitulée : « La jungle avance sur l’Europe » il décrit dans différents pays les conséquences de cette situation avec le recul des solidarités, l’érosion de l’Etat au profit du privé lucratif.
Il écrit notamment : « La situation aujourd’hui a évolué. Tandis que l’asservissement de nombreux peuples du Sud s’aggrave, la jungle gagne du terrain en Europe… »
Il rappelle la déclaration universelle des droits de l’homme ratifiée par 195 Etats membres de l’O.N.U. et ajoute : « Ces droits font horreur aux nouveaux maîtres du monde. Ils les craignent comme le diable, l’eau bénite. »
A l’aide de nombreux exemples largement documentés il souligne les reculs de toutes natures que connaît la situation des êtres humains partout dans le monde.
Il reste cependant optimiste en prédisant que les résistances vont s’organiser et s’accroître face à cette régression et cite notamment les mouvements antimondialisation. L’ouvrage est très dense et ne se lit pas d’une traite sauf à envisager de déprimer gravement.

Une autre de mes lectures m’a permis de lire un ouvrage au style très différent

« Le Labyrinthe des Egarés » d’Amin Maalouf dont le sous-titre est « l’Occident et ses adversaires »

Amin Maalouf, d’une certaine manière, aborde les mêmes interrogations sur notre monde et ses évolutions.

Il se penche sur l’histoire de plusieurs pays qui ont comptés dans l’Histoire du Monde ; sur fond de conflit armé en Ukraine.
Il retrace l’itinéraire de quatre grandes nations : le Japon de l’ère Meiji, la Russie soviétique, la Chine et enfin les Etats Unis.

Très documenté il décrit les dérives qui ont frappé les destins de ces nations et les conséquences pour l’Humanité.
Il écrit dans le chapitre intitulé « La citadelle de l’Occident » : « Lorsqu’on se penche sur le parcours de pays aussi différents que le Japon, la Russie, la Chine et les Etats Unis, on est naturellement amené à se demander pourquoi l’un ou l’autre d’entre eux a pu, à certains moments, « perdre la tête » et compromettre ainsi le bénéfice des réalisations qu’il avait su accomplir… »

Il ajoute qu’ : « […] il existe, chez tous ceux qui acquièrent une prééminence, un début d’aveuglement, et un risque d’ivresse.
Les dieux rendent arrogant celui dont ils veulent la perte, disaient les Grecs anciens. Dans leur mythologie, où les sentiments étaient représentés par des divinités allégoriques, l’arrogance s’appelait Hubris. Tous les hommes qui parviennent à s’élever au-dessus de leurs semblables, par le statut, par la richesse, par la puissance, par le talent, ou même par la sainteté, croisent, un jour ou l’autre, le chemin de cette tentatrice ».

Tout ceci résonne tragiquement dans l’état actuel de notre planète.

Si vous n’avez pas peur de regarder en face une réalité préoccupante je vous conseillerais enfin d’acquérir le numéro de juillet/août d’Alternatives Economiques qui se penche sur « l’Atlas du nouveau désordre mondial » en 25 cartes pour nous aider à comprendre.

J’ai pour ma part été particulièrement interrogé par celle qui concerne les inégalités dans le monde et leur évolution, ainsi que par celle qui examine le grand recul démocratique.
Sur ce dernier sujet il faut retenir que, entre 2004 et 2024, la part de la population mondiale vivant en démocratie est passée de la moitié au quart.

Tous ces constats pourraient nous inciter à jeter l’éponge alors qu’il est plus que jamais nécessaire de défendre les valeurs que nous proclamons au fronton de nos édifices publics.