Par BLOG de JEAN-MARIE DARMIAN | ROUE LIBRE

La rue mais aussi des squats, des bidonvilles, des carcasses d’automobiles ou des automobiles elles-mêmes servent de logement à des familles marginalisées par la loi, l’absence de logements accessibles ou par simplement la misère. Cette situation maintes fois dénoncée par les organisations de solidarité a toujours déclenché un commentaire facile : nous allons agir ! Le problème de l’enfance en difficulté dans un pays signataire de tous les textes relatifs à la défense et la protection de l’avenir de notre société, reste posé. Si les Départements au prix d’énormes efforts financiers tentent de répondre à des placements par la justice ou les services sociaux de plus en plus nombreux, l’État suave les apparences en esquivant le plus souvent possible sa responsabilité.

L’UNICEF France et la Fédération des acteurs de la solidarité révèlent, dans leur 6ème baromètre, une augmentation alarmante du nombre d’enfants sans abri, malgré les alertes répétées et les recommandations formulées, loin d’être suivies. L’incertitude du contexte politique fait craindre une dégradation de la situation et la cure d’austérité qui s’annonce n’incite guère à l’optimisme. Selon l’étude récemment publiée au moins 2 043 enfants étaient sans solution d’hébergement dans la nuit du 19 août dernier, soit une hausse de 120 % par rapport à 2020. Parmi eux, 467 ont moins de trois ans. Si ces chiffres illustrent une situation dramatique il ne sont vraiment pas exagérés car il faudrait aussi prendre en compte les mineurs non accompagnés sans-abri et les familles vivant en squats ou en bidonvilles.

Le système d’hébergement est embolisé. Un système de tri s’est mis en place et les personnes les plus vulnérables, telles que les femmes enceintes ou les jeunes enfants, ne peuvent plus bénéficier d’un accueil dans certains territoires. Les difficultés financières des départements liées à la déstructuration de leurs recettes fiscales aggravent partout cette situation. En fait ils ont à assumer « l’aide sociale à l’enfance » alors que l’État se charge en principe de « la protection de l’enfance ». La complexité de cette répartition des rôles conduit à des dysfonctionnements basés sur le manque de moyens. Ainsi si l’État évalue le nombre de dossier traités à 380 500 mesures ce qui est très en-deçà de la situation réelle il explique qu’il confie 208 000 enfants à l’aide sociale à l’enfance dans 1 963 établissements dans lequel il ne met pas un euro directement ! Les familles d’accueil se raréfient. Les situations psychologiques s’aggravent. Les places dans les lieus spécialisés manquent.

Les auteurs de l’étude tentent d’expliquer que ne pas agir pour protéger ces enfants c’est pénaliser leur avenir et donc aggraver le coût ultérieur de leur prise en charge en raison de problèmes de santé ou de comportement social. Ainsi, 28 659 enfants étaient hébergés en hôtel dans la nuit du 19 au 20 août 2024. Malheureusement, en raison des nombreux obstacles rencontrés pour accéder à un logement stable, de nombreuses familles passent plusieurs années dans ces conditions. En Île-de-France, en 2023, les personnes hébergées en hôtel y résident en moyenne 44 mois. Cette situation est contraire à absolument toutes les conventions internationales mais… ces dernières ne sont-elles pas faites pour ne jamais être respectées !

La France s’enfonce inexorablement dans l’insécurité sociale. La pire des situations car elle pénalise les plus démunis, les plus faibles, les plus fragiles. Elle oublie ses devoirs républicains d’accueil et de protection. Pas de places dans les établissements médico-sociaux spécialisés, pas de perspectives éducatives réelles pour des milliers enfants délaissés par leurs familles (drogue, alcoolisme mondain ou privé, drogue, indifférence, absence d’éducation, misère matérielle et culturelle); pénurie croissante de logements, montée affolante de toutes les violences : la situation s’aggrave de jour en jour. L’abandon d’une solidarité réelle via des contributions justes et pérennes aux prises en charge des services publics se paiera très, très cher. L’aggravation de la pauvreté qui frappe cinq millions de personnes en France, la crise sanitaire de 2020 suivie de deux années de forte inflation frappent durement les plus modestes. Les milieux populaires, les chômeurs, les familles monoparentales, les immigrés sont les plus touchés.

Pendant ce temps à l’Assemblée nationale on parle de censure. Pendant ce temps on suppute sur les attributaires de postes ministériels. Pendant ce temps celles et ceux qui le peuvent virent leurs bénéfices potentiellement taxables dans les paradis peu regardant au cas où. Pendant ce temps les éternels ambitieux se voient horlogers en chef à la place du détraqueur des horloges institutionnelles. Pendant ce temps des enfants cauchemardent sur les trottoirs, des enfants survivent au jour le jour, des enfants pleurent avec le ciel qui ne les épargne pas. Et ce n’est pas à Manille ou à Bogota…

BLOG de JEAN-MARIE DARMIAN | ROUE LIBRE

Le 7 septembre 2024