Par MICHEL CARON | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITE
Voilà plus de 50 jours que la France attend la nomination d’un Premier Ministre et la formation d’un gouvernement, venant ainsi traduire les résultats des élections législatives anticipées.
En tant que citoyen soucieux des affaires de la Cité, je veux maintenant exprimer le sentiment de honte doublé de révolte que m’inspire la vue de l’état de vacuité politique que constitue la persistance d’un gouvernement et d’un Premier Ministre démissionnaire.
Force est de constater que le style jupitérien, dont est habituellement qualifiée la Présidence actuelle de la République, consiste à vouloir formuler simultanément les questions et les réponses qui structurent la recherche d’une majorité parlementaire stable et d’un Premier Ministre crédible.
Vouloir anticiper est louable dans l’exercice des responsabilités ; mais la méthode employée et la durée de l’exercice conduisent à « désactiver » la part de liberté, d’initiative et de responsabilité qui incombe aux groupes politiques parlementaires, qui sont ainsi entraînés dans le vertige de la vacuité doublé de la profusion des hypothèses.
Cela tombe décidément très mal, au moment où une enquête d’opinion fait état de 85 % de jugements négatifs sur les responsables politiques ; et l’on voit bien que le ballon d’oxygène des Jeux Olympiques n’aura pas suffi à faire jaillir la lumière gouvernementale alors que le camp présidentiel à l’Assemblée nationale a sensiblement rétréci.
Pour autant, deux Français sur trois viennent de refuser que l’extrême droite accède au pouvoir.
Ne voit-on pas qu’en se rassemblant dans un front républicain, les Français expriment leur volonté de voir s’incarner leur engagement dans des valeurs qui cimentent un contrat de gouvernement porté par une majorité plurielle et un leadership qui se concentrent sur les chantiers prioritaires connus et reconnus de tous.
À cet instant, la mémoire d’hommes politiques tels que Jean Zay ou Pierre Mendes France aurait pu inspirer la recherche d’un Premier Ministre et nous dispenser du bal des candidats.
Il est des personnalités expérimentées qui sont à la hauteur du défi actuel de constituer un gouvernement et de porter une politique qui rassemble. Encore faut-il que les dirigeants politiques RESPECTENT la volonté exprimée dans le front républicain, et cessent de se neutraliser réciproquement sur un fond d’élection présidentielle qui nous détourne aujourd’hui de l’essentiel.
Comme nos concitoyens, je mesure la dimension et la force de l’espoir généré par la victoire de ce front républicain : il se situe au-delà de l’alliance électorale qui a permis de porter des élus à l’Assemblée Nationale en garantissant des financements aux partis ; ces Français appellent de leurs vœux un élan décisif en faveur d’un programme social-démocrate qui soit effectivement rassembleur.
Cet espoir doit s’incarner dans une majorité et un gouvernement qui répondent au sentiment d’abandon et de déclassement de nombre de nos concitoyens, tandis que la dette publique requiert à la fois le courage de la vérité et la force de la solidarité.
Le slogan n’y suffira pas ; l’éthique de la conviction devra se conjuguer avec l’éthique de la responsabilité, au plan national et européen.
À mon modeste niveau, j’ai interpelé dans une lettre ouverte, la députée de ma circonscription, élue grâce au front républicain, l’encourageant à prendre des initiatives en faveur d’une sortie de crise.
Étant maintenant l’élue de tous les citoyens, au service de l’intérêt général, je lui ai longuement signalé les chantiers prioritaires qui devraient résulter de cette majorité plurielle dégagée par le front républicain.
Le Président de la République et les dirigeants politiques doivent respecter le message des élections, tout en garantissant un débat apaisé.
Les Français n’ont nul besoin des excès de langage sans lendemain ni d’appel à l’affrontement ; de manière générale, l’homme veut d’abord être nourri et protégé.
Ainsi, les Français veulent-ils l’égalité dans l’accès aux soins ; ils veulent avoir l’assurance que les enseignants travaillent dans les meilleures conditions possibles pour prendre soin de l’avenir de leurs enfants.
Le droit à la sécurité est également fondamental et doit bénéficier d’une politique et d’une organisation efficace.
Ils veulent que la vie coute moins cher et que le dynamisme économique, les salaires, les pensions de retraite, et les minimas sociaux permettent de vivre dignement.
Ils veulent que la dette publique soit réduite et que la transition écologique s’opère de façon encourageante et solidaire.
Ils veulent vivre en paix dans un monde plus juste où le phénomène des migrations résultant des désordres politiques et de la crise climatique appelle une maîtrise qui inspire confiance localement et globalement.
Et ils continuent d’adhérer aux valeurs de la République, à la fraternité et à la solidarité, en faisant barrage à la discrimination et au nationalisme identitaire. Mais jusqu’à quand ?
Faudrait-il aussi rappeler ici que l’expérience d’élu local nous a appris qu’un grand nombre de délibérations, utiles à la vie de nos concitoyens, sont adoptées par consensus dans les collectivités locales, grâce à une préparation concertée entre majorité et opposition : que nos responsables politiques nationaux s’inspirent de cette expérience, ce qui nous dispenserait d’attitudes et de discours inconséquents.
Avec le Think Tank FRATERNITÉ, attentif au devenir de nos concitoyens les plus vulnérables et aux politiques publiques qui s’y rapportent, j’exprime l’inquiétude et l’espoir ; la crise de confiance confirmée par une récente enquête d’opinion nous rappelle que le temps du front républicain n’est que celui du répit.
Il est donc grand temps qu’une alliance parlementaire se constitue autour de chantiers et de projets prioritaires, tout en rendant possible la désignation d’un Premier Ministre et la formation d’un gouvernement engagés dans une action durable. Nous penserons aux élections présidentielles le moment venu, en nous consacrant dès maintenant à combattre les racines des dérives extrémistes qui se nourrissent de nos renoncements et de nos défaillances.
MICHEL CARON | ADMINISTRATEUR DU THINK TANK FRATERNITE
Le 3 septembre 2024