Par FRATERNITE
Notre secteur (sanitaire, médico-social et social) connait de graves difficultés de recrutements, va-t-il les voir s’accentuer avec cette nouvelle réglementation : les ZFE ?
Des aires d’influences ZFE qui s’étendent bien au-delà des métropoles : 580 intercommunalités sont concernées.
Depuis quelques années, l’établissement des ZFE (zones de faibles émissions) dans les grandes villes de France et Métropoles vise à interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants.
Tout a commencé à Paris en 2016 avec l’interdiction des autos les plus anciennes, avant qu’un texte de loi (la LOM de 2019) n’oblige toutes les grandes villes du pays à organiser une ZFE dans leur centre. Certaines municipalités ont alors fixé des objectifs très ambitieux avec l’interdiction des véhicules à vignette Crit’Air 3 (les diesels d’avant 2011 et les essences d’avant 2007) initialement fixée aux années 2023 et même 2022 à Paris.
Sauf qu’on parle ici de modèles encore courants dans le parc automobile français actuel, souvent utilisés par les Français dont les revenus ne leur permettent pas d’acheter confortablement une auto moderne. La mesure paraît donc socialement difficilement acceptable et c’est la raison pour laquelle la plupart des grandes villes ont fait récemment machine arrière sur le sujet (mais 2024 semble être une opportunité du calendrier électoral).
Les chiffres dévoilés par l’étude menée par Harris Interactive pour BNP Paribas Mobility sur la situation de plusieurs agglomérations ont de quoi inquiéter notamment pour de très nombreuses et nombreux salariés de notre secteur (sanitaire, médico-social et social).
Outre les doutes, interrogations et autres désaccords des sondés à l’échelon européen, elle montre que le calendrier (2024, 2025) de la ZFE aura d’énormes conséquences pour ses habitants. Pour l’instant, les autos les plus anciennes (non classées, Crit’Air 5 et Crit’Air 4) y sont déjà interdites mais sans répression systématique.
Courant 2024, en revanche, l’interdiction pourrait englober aussi les véhicules à vignette Crit’Air 3. Sur l’ensemble des véhicules recensés en 2023, 31% du parc total pourrait se retrouver interdits de circulation !
Les professionnels sont également concernés : les utilitaires légers, soit 33% du parc, se retrouveront interdits de rouler dans la ZFE. Mais aussi 42% des poids lourds.
La fracture sociale pourrait être très gravement accentuée sans de réelles mesures d’accompagnement proportionnées aux revenus des propriétaires de véhicules.
Ces 31% de voitures particulières, de l’étude, correspondent à la part des habitants les plus modestes. Elle montre en effet une corrélation entre la concentration de ces véhicules Crit’Air 3 (et plus anciens) et le revenu moyen des ménages. Elle rappelle aussi que ces ménages habitent dans les zones les moins bien desservies par les transports en commun, ce qui explique sans doute le kilométrage moyen plus important qu’ils parcourent chaque année.
Autant dire qu’il s’agit aussi de la part de la population possédant le moins d’alternatives aux voitures d’occasion pas chères que la ZFE interdira de circuler. Le système de location aidée de voiture électrique à moins de 100€ par mois s’adresse évidemment à eux mais il ne prévoit que de petites autos (Renault Twingo E-Tech, Fiat 500) et pas de vrais véhicules familiaux.
Surtout, l’Etat table sur environ 20 000 contrats de location sur l’année 2024 dans tout le pays. Rien à voir donc avec les 13 millions de véhicules qui pourraient être interdits de circuler !
Il n’est pas sérieux en position de responsabilité de prendre une décision sans avoir au préalable regardé les impacts de cette mesure dans le détail. Sommes-nous au moins sûrs que ces ZFE permettent d’améliorer sensiblement la qualité de l’air des villes ? Il devrait être possible d’avoir des retours d’expérience même partiels sur les ZFE déjà mises en place en France et en Europe.
Rappelons enfin qu’un système de verbalisation automatique doit être mis en place à l’entrée des ZFE pour obtenir le parfait cocktail d’une bombe sociale, en particulier, dans notre secteur, où de très nombreux salariés doivent utiliser un véhicule pour assurer leur métier au domicile de personnes vulnérables. C’est toujours la même consternation quand paraissent les statistiques de l’Insee sur les déplacements quotidiens. Selon ce document issu des recensements annuels et rendu public le 19 janvier 2023, 42% des personnes dont le lieu d’emploi est situé à moins d’un kilomètre de chez eux prennent le plus souvent leur voiture pour s’y rendre. Presque autant circulent à pied, et les autres à vélo ou en transports publics.
Lorsque la distance est comprise entre 1 et 2 km, la voiture convainc 56% des personnes. Entre 2 et 3 km, 63%, etc. Dans l’ensemble, 60% des déplacements domicile-travail de moins de 5 km se font en voiture. Pourtant, un kilomètre se parcourt en dix minutes à pied, en trois ou quatre minutes à vélo, et parfois beaucoup plus, en fonction de la voirie et du stationnement, en voiture…
Les ZFE semblent démontrer une nouvelle fois l’art français de créer des problèmes. En effet, il n’est pas sérieux en position de responsabilité de prendre une décision sans avoir au préalable regardé les impacts de cette mesure dans le détail et la nécessité de mesures d’accompagnement et d’une information fiable du grand public.
Les décideurs politiques locaux et nationaux, ainsi que les observateurs, ou les commentateurs prolifiques, semblent découvrir, huit ans après les ébauches de « zones à circulation restreinte », ancêtres des ZFE, que la mesure nécessite des politiques d’accompagnement financières adaptées pour éviter une accentuation grave de la fracture sociale.
En quête de nouvelles solutions
Il y a urgence à mettre en place une information pratique, claire et accessible à tous sur les modalités du dispositif, les aides dédiées et les alternatives : via un site Internet, un numéro de téléphone national et un guichet unique, au plus près des habitants. Sans oublier que celles et ceux qui travaillent dans les ZFE, vivent en général, à 30, 40 ou 80 kilomètres de là, ou plus, en raison de la hausse des prix de l’immobilier notamment.
Pour se rapprocher de l’emploi, des études, des lieux de culture ou de santé, ils n’ont souvent pas d’autre choix que la voiture. Si on leur interdit l’accès aux centres-villes parce que leur véhicule est polluant, on contribue à renforcer leur isolement et un risque préoccupant de fracture sociale.
Dans ce contexte, faut-il décaler le calendrier de mise en place des ZFE ?
A l’issue d’une mission flash le Sénat le juge « précipité » et se prononce pour un report à 2030 de l’interdiction des vignettes Crit’Air 3 et de l’extension des ZFE aux autres métropoles. Un tel délai permettrait d’adapter ce dispositif (ce qui n’a pas été fait depuis 2015) notamment pour notre secteur (sanitaire, médico-social et social).
FRATERNITE
Le 24 janvier 2024