Par Michel Caron | Administrateur du Think Tank FRATERNITE
Il faut écrire l’espoir contre toute désespérance ; Sisyphe nous a appris que nous ne devions pas aspirer au repos …des gens satisfaits d’eux-mêmes et ignorants des autres, même quand le sens s’est absenté un moment du monde.
Du plus profond de la nuit viendra la lueur du jour prochain, nous marcherons dans les décombres de la raison et de l’humaine, trop humaine autodestruction qui s’est enclenchée : affronter le choc des certitudes et des fanatismes, résister aux conformismes et à la lâcheté, surmonter l’intense fatigue du corps et de l’esprit. Il nous faut parier que la fraternité est fondatrice du sens qui peut éclairer ce chemin qui conduit au-delà du chaos.
Le massacre du 7 octobre en Israël résonne en un écho immense et douloureux à ce chemin que j’ai parcouru dans les ruines et le silence d’Oradour sur Glanes il y a quelques mois.
Je porte encore en moi ce silence de l’inhumanité absolue que fut le massacre des 643 habitants du village, le 10 juin 1944, ce silence empli des cris des femmes et des enfants enfermés et brulés dans l’église, des hommes regroupés dans les granges et fusillés systématiquement.
Ainsi des êtres humains sont-ils capables d’actes absolument inhumains, en préparant, en organisant et en réalisant l’anéantissement systématique d’autres êtres humains. Mais ces crimes contre l’humanité et ces crimes de guerre appellent la résistance et, le moment venu, le procès et la justice. Il en est de même pour l’assassinat d’un professeur.
Me revient aussi le souvenir de la misère rencontrée à Madagascar, des enfants qui n’ont rien ni pour manger ni pour étudier, et qui rencontrent quand même des initiatives de solidarité, d’éducation et de protection. L’homme veut être nourri et protégé, là est notre responsabilité. Et tôt chaque matin, j’ai vu les Malgaches marcher vers quelque chose à faire, au-delà du dénuement ambiant. Notre place est à leurs côtés.
Je veux partager la question en l’assumant : QU’AVONS NOUS FAIT DE LA FRATERNITÉ ?
À cela, je veux répondre en témoignant qu’il est possible de lutter contre la tentation du renoncement, de partager les moments de doute et sauvegarder l’énergie disponible pour continuer d’écrire et de parler, et contribuer à reconstruire les conditions morales et politiques d’un nouveau rapport de forces inspiré de ce qui constitue le meilleur de l’humanité en chacun de nous.
Ainsi le temps des professeurs est-il fait d’exemplarité et d’exigence, de raison et de transmission de ce qui fait que l’éducation demeure possible.
La violence est là, lointaine et proche, voulue et produite par des hommes, des groupements, des idéologies ; mais il nous faut continuer de parler, d’écrire, de témoigner et d’agir de sorte que la solidarité – et la fraternité – redonne du sens à un monde en perte de repères et en pleine confusion des valeurs, un monde d’où le sens s’est absenté.
Michel Caron | Administrateur du Think Tank FRATERNITE
Le 25 octobre 2023